Demain il fera jour, apprendre, vivre et changer le travail

Demain il fera jour, apprendre, vivre et changer le travail

 

Travailler sur le travail, « quel boulot ! » aurait pu dire Anne Flottes, membre du comité de rédaction de la revue Santé & Travail, qui fut aussi ouvrière, ergonome, spécialiste de la division du travail et associée aux questions de la psychodynamique du travail avec le psychiatre Christophe Dejours. C’est elle qui va me guider tout au long de ce film et forcément je lui dédie.

Faire un documentaire? il me fallait trouver une source… sachants, archives ou témoignages voilà les trois pendants imparfaits qui tissent les documentaires.

Les sachants médiatiques toujours prompts à répondre favorablement à une participation à un documentaire se sont mis à m’éviter tant la question de la centralité politique du travail est risquée, de gauche comme de droite chacun y a été de son avis, chacun a participé à sa commission parlementaire, les lois travail de 2016 en sont le plus criant exemple tant elles impactent aujourd’hui nos conditions de travail.

Les archives? J’en viens! Images d’illustration, montage de sources, je m’en servirai pour ce film aussi mais est-ce là mon sujet? Les films d’entreprise sont des propagandes, commandités par le patronat il faut donc les déconstruire, rares sont les caméras autorisées à entrer dans l’entreprise et entre nous l’archive coûte chère pour une si petite production je n’en avais tout simplement pas les moyens.

J’ai donc fait le choix des témoignages, source imparfaite s’il en est, chacun donne sa vision, son avis, tord sa réalité, tente de vendre une belle image,… cependant donner la parole à ceux qui n’en n’ont pas est une tâche digne et belle, faire confiance, laisser parler longtemps, utiliser l’entretien qualitatif long qu’utilisent les sociologues tel sera donc mon choix. Arte povera? minimalisme? Je ne sais pas,  ce qui est sûr c’est que si la forme compte, la parole compte plus encore, je n’utiliserai pas de musiques d’ambiances, d’illustrations gratuites et tout ces artifices qui font du cinéma un divertissement tout en tentant d’éviter l’ennui.

note d’intentions

« On ne fait pas un film sur le monde du travail par hasard, on ne passe pas devant la caméra par hasard non plus. D’office je me suis imposé une première contrainte, le travail abîme, il faudra donc, autant que possible, ne pas abîmer à mon tour. »

Faire des films et avant tout lire. Lire beaucoup et écrire !  Militer aussi, faire de la politique … de loin.  J’ai donc lu à la ronde sociologues, psychologues, historiens, économistes, traités de management et autres guides pour RH, des auteurs incontournables bien-sûr : Karl Marx, Hannah Arendt, Max Weber, Dominique Meda, Johann Chapoutot, Marie Pezé, … pour tenter de comprendre, reprendre la main, … maîtriser la chose.

Il m’a fallu dépasser ma gêne, la crainte d’être un imposteur, réfléchir à la forme : l’entretien sociologique qualitatif, l’idée : donner la parole à ceux qui ne sont pas des sachants médiatiques et tirer des problématiques, des redondances. Cette méthode je la vole à Anne Flottes, encore une fois.

Benjamin BUJ

Le film

Création artisanale faite de peu de moyen, il est tourné avec moins de trois pleins d’essence incluant un allé retour à Montreuil à la CGT, principalement tourné en pays de Caux. Il dure 1h12, tourné en format 16/9 4K, je l’ai souhaité le plus propre possible le plus simple aussi.

Il se divise en 4 parties:

  • L’école ce travail, ce lieu où l’on apprend à devenir un travailleur, avec une professeure des écoles, un principal de collège et un maitre de conférence. L’un des pilier du monde du travail est sa formation mais comment sont formés les formateurs? Comment apprend t’on à apprendre?
  • Les métiers rêvés , deux acteurs et une danseuses nous parlent de leurs parcours, de leurs craintes, du fait de prendre de l’âge. Pourquoi et surtout comment sont-ils devenus artistes?
  • La santé au travail, un ouvrier de la pétrochimie, un intérimaire de l’industrie automobile ainsi qu’un téléopérateur en situation de handicap partagent leurs expériences, loin des attendus et de l’image d’Epinal le chantage à l’emploi et  l’amour du métier se mêlent avec leur lots de maladies professionnelles. 
  • Les utopies, puisque le travail doit changer, pas à la manière de réorganisations contraintes, nous écouterons les visions d’un agriculteur bio, d’un architecte qui développe une ressourcerie du BTP,  Permac au Hangar 0 ainsi que deux artistes qui décident de monter leur propre lieu , l’Imaginearium. Cette dernière partie en forme de conclusion tente d’offrir une vision positive, montrer qu’un autre chemin est possible même s’il est semé d’embuches.